<20>terai à cela que l'Opéra manque totalement de sujets, et que, excepté la Camargo, qui a quarante-trois ans, il n'y a que des danseuses du troisième ordre, bien inférieures à la petite Lani. Je supplie V. M. d'être persuadée que je ferai sur tout cela ce qu'il faut.

Je compte de voir demain Vanloo et sa femme; je veux leur plonger le poignard dans le sein et leur faire connaître ce qu'ils ont perdu. Ce sont des imbéciles qui se sont laissé séduire par les discours de plusieurs personnes qui ne connaissent ni Berlin, ni V. M. Si elle est toujours dans le dessein d'avoir un grand peintre, je lui en ferai avoir un à bien meilleur marché que Vanloo, aussi fameux et aussi bon que lui. V. M. peut choisir entre Natoire (c'est aujourd'hui le premier peintre de Paris) et Pierre; ce dernier est élève de Le Moine, a parfaitement le goût du dessin et du coloris de son maître; ses tableaux sont fort estimés. Il n'a que trente-cinq ans. V. M. peut s'informer de Schmidta de son mérite. Ces deux peintres forment, avec Vanloo, la première classe; les meilleurs de Paris, auprès d'eux, ne sont que de la seconde.

Je vis hier Voltaire; il m'a paru fort charmé de revoir son ami Isaac. Il a voulu me mener chez madame de Pompadour, qui est dans une maison de campagne aux portes de Paris; mais, mes affaires me retenant à Paris, je l'ai prié de différer de quelques jours. On a jugé, il y a deux jours, son affaire avec Thévenot, violon de l'Opéra; les dépens ont été compensés, et les mémoires de Thévenot flétris et supprimés comme calomnieux. Voltaire n'est pas content de l'arrêt, et il a raison.

J'ai soupé dans une des meilleures maisons de Paris avec M. de Mairan;b c'est un petit homme fort doux, d'une grande politesse, qui parle avec beaucoup d'aisance, qui dit de fort bonnes choses, et n'a


a George-Frédéric Schmidt, célèbre graveur en taille-douce, vivant à Berlin, où il était né en 1712 et mourut en 1775. Voyez t. X, p. II, et t. XI, p. IV.

b Voyez t. XI, p. 57, et t. XVII, p. 32.