<206> eu plus de vingt mille hommes de tués ou de blessés. Je veux que nous ayons perdu six mille hommes de tués ou de prisonniers; c'est vaincre bien chèrement que de perdre trois fois plus que celui qui est vaincu. D'ailleurs, toutes les lettres de Breslau assurent qu'il arrive tous les jours encore des troupes de soldats par centaines, qu'on croyait morts ou prisonniers, et qui ne sont qu'égarés. Je sens bien que V. M. sera obligée de détacher un corps de son armée, et que cela l'affaiblira; mais le général Daun a commencé par détacher le premier. Une des choses qui me consolent dans cette affaire malheureuse, c'est l'intrépidité qu'ont marquée les troupes; à l'exception d'un régiment qu'on dit, à Berlin, avoir mal fait, tous les autres ont lait des prodiges de valeur. Cela imprime une terreur et une crainte même au vainqueur, lorsqu'il songe à attaquer de nouveau. Si la prise de Glatz coûte aux Autrichiens autant que celle de Landeshut, avant la moitié de la campagne ils auront perdu entièrement une armée considérable, et, s'ils viennent à essuyer un échec, Landeshut et Glatz ne leur serviront de rien pour l'exécution des prétendus grands projets qu'ils ont formés.
Permettez-moi, Sire, de vous demander ce que fait le prince Ferdinand. Il a aujourd'hui cent mille hommes effectifs, d'excellentes troupes, et il reste presque dans l'inaction. Cependant, si les Français étaient battus, il pourrait aisément détacher en Saxe un corps de quinze mille hommes.
Permettez encore, Sire, que je vous dise qu'il n'y a rien de si singulier que la conduite des Anglais. Ils ont quatre-vingts vaisseaux armés dans leurs ports, nous voilà au mois de juillet, et ils ne les font point sortir. Quand comptent-ils de les employer? Aux mois de décembre et de janvier? En attendant, les Français, à qui il reste à peine six ou sept vaisseaux délabrés, les battent en Amérique, et leur ont peut-être déjà enlevé Québec. Cela est affreux. Il faut que les Anglais aient perdu l'usage de la raison; les Français les ont menés