149. DU MÊME.
Berlin. 19 octobre 1760.
Sire,
J'aurais eu l'honneur d'écrire à Votre Majesté dès le moment qu'elle est entrée en Saxe, et que la correspondance avec son armée a été rétablie; mais j'ai jugé qu'elle serait d'abord si accablée d'affaires, qu'il était inutile que je joignisse ma lettre à tant d'autres plus importantes qu'elle aura reçues. Je m'acquitte actuellement, Sire, de mon devoir, et je vais lui écrire en peu de mots tout ce qui s'est passé, dans la plus exacte vérité, et comme en ayant été témoin oculaire.
Vers la fin du mois de septembre, il arrive un avocat de Glogau, nommé Sack, à Berlin, qui était envoyé du général Tottleben pour terminer ses affaires avec le banquier Splitgerber. Cet homme ayant eu une conversation particulière avec notre commandant, celui-ci en parut frappé comme d'un coup de foudre; pendant deux jours il semblait qu'il avait appris la plus terrible nouvelle. Enfin, sa frayeur se communiqua à tout Berlin, et, comme on en ignorait la cause, le bruit se répandit que V. M. avait été blessée mortellement. Cette fausse nouvelle jeta toute la ville dans la plus grande consternation. Quant à moi, j'en pris une fièvre avec des convulsions. J'avais reçu une lettre de V. M., datée du 18; mais l'on disait que vous aviez été blessé le 19. Enfin, pour mon bonheur et pour celui de toute la ville, M. Köppena reçut une de vos lettres, datée du 21, et le calme fut rétabli. Le lendemain, tous les généraux s'assemblèrent, et l'on sut que ce qui avait causé la frayeur du commandant était la crainte d'une irruption des Russes dans le Brandebourg. Trois jours après,b le général Tottleben parut à nos portes, et fit sommer la ville. Comme
a Conseiller intime et payeur de l'armée. Voyez t. XVI, p. 24.
b Le 3 octobre 1760. Voyez t. V, p. 89-92.