<227> de la vie en Sybarite; pour moi, je regarde la mort en stoïcien. Jamais je ne verrai le moment qui m'obligera à faire une paix désavantageuse; aucune persuasion, aucune éloquence, ne pourront m'engager à signer mon déshonneur. Ou je me laisserai ensevelir sous les ruines de ma patrie, ou, si cette consolation paraissait encore trop douce au destin qui me persécute, je saurai mettre fin à mes infortunes lorsqu'il ne sera plus possible de les soutenir. J'ai agi et je continue d'agir suivant cette raison intérieure et le point d'honneur qui dirigent tous mes pas; ma conduite sera en tout temps conforme à ces principes. Après avoir sacrifié ma jeunesse à mon père, mon âge mûr à ma patrie, je crois avoir acquis le droit de disposer de ma vieillesse. Je vous l'ai dit et je le répète, jamais ma main ne signera une paix humiliante. Je finirai sans doute cette campagne, résolu à tout oser et à tenter les choses les plus désespérées pour réussir ou pour trouver une fin glorieuse.
J'ai fait quelques remarques sur les talents militaires de Charles XII; mais je n'ai point examiné s'il devait se tuer, ou non. Je pense qu'après la prise de Stralsund il aurait fait sagement de s'expédier; mais, quoi qu'il ait fait ou qu'il ait omis, son exemple n'est pas une règle pour moi. Il y a des hommes dociles à la fortune; je ne suis pas né ainsi, et, si j'ai vécu pour les autres, je veux mourir pour moi, très-indifférent sur ce qu'on en dira; je vous réponds même que je ne l'apprendrai jamais. Henri IV était un cadet de bonne maison qui faisait fortune; il n'y avait pas là de quoi se pendre. Louis XIV était un grand roi, il avait de grandes ressources; il se tira d'affaire. Pour moi, je n'ai pas les forces de cet homme-là; mais l'honneur m'est plus cher qu'à lui, et, comme je vous l'ai dit, je ne me règle sur personne. Nous comptons, je pense, cinq mille ans depuis la création du monde; je crois ce calcul beaucoup inférieur à l'âge de l'univers. Le Brandebourg a subsisté tout ce temps, avant que je fusse au monde; il subsistera de même après ma mort. Les États se soutiennent par