<258> Si vous êtes curieux des nouvelles de ma santé, apprenez que, malgré quelques infirmités, elle est assez passable pour me donner l'espérance qu'elle résistera aux fatigues de la campagne. Il m'est arrivé en marche une chose assez singulière. Vous m'aurez vu un page dont je pouvais me servir pour des commissions, et qui s'en acquittait bien. Je l'envoie, lorsque nous nous mettions en marche, pour me commander à dîner à Strehlen, où ma maison était arrivée; ce pauvre garçon devient fou en chemin, et arrive à Torgau en faisant mille extravagances. Nous avons jeûné de cette aventure, et j'ai été obligé de renvoyer ce pauvre malheureux à ses parents, sans qu'il y ait espérance qu'il recouvre jamais le bon sens. Que nous sommes de misérables créatures, pauvres humains qui nous enorgueillissons d'un instinct un peu plus perfectionné que celui des bêtes, qu'un moment nous ravit, et qui, une fois perdu, rend notre condition pire que celle des brutes! Quelle source inépuisable de réflexions humiliantes et tristes! Je les supprime, puisque vous les ferez de vous-même, me bornant à vous assurer que, tant que je conserverai cet instinct de raison en son entier, je ne cesserai de vous aimer et de vous estimer. Vale.
Mes compliments à la marquise.
175. AU MÊME.
Kunzendorf, 24 mai 1761.
Je fais des vœux, mon cher marquis, pour que vous passiez tranquillement votre été à la terre où vous vous êtes retiré. J'ai cependant quelque pressentiment qui me fait croire qu'il y aura encore quelques