<262> au hasard ou à la fortune. Je suis, en attendant ce que le sort ordonnera, tranquille et solitaire; je réfléchis, puisqu'il le faut, sur l'avenir; je lis et je m'occupe en silence.
Il y a ici des prophètes dont l'un veut la paix, l'autre des batailles; le troisième nous renvoie, pour la paix, à l'an 1763. Il faut bien que l'un ou l'autre ait raison; après l'événement, on criera au miracle. Ces prophètes sont comme les calendriers où les astronomes annoncent de la pluie, du soleil, du vent, du beau temps, le chaud et le froid, pour contenter la superstition du peuple.a Je ne sais si vos Français feront la paix, ou s'ils continueront la guerre; je suis comme un docteur, je ne sais rien, sinon que je souhaiterais fort de me revoir avec vous dans notre petite retraite, loin des crimes, des cabales, des sottises héroïques des sots, et du tumulte d'une vie trop agitée, qu'on trouve dans ma place et dans la cohue du grand monde. Adieu, mon cher marquis; n'oubliez pas ceux qui combattent pour vous, et soyez persuadé de ma parfaite amitié.
178. AU MÊME.
Kunzendorf, 7 juin 1761.
Les petits voyages que vous faites, mon cher marquis, vous auront donné une partie de cet exercice nécessaire et indispensable sans lequel notre machine organisée ne peut jouir de la santé. Il semble que nous soyons destinés à être secoués toute notre vie, et que nous ayons été faits plutôt pour agir que pour penser. Prenez les eaux à Sans-Souci, vous en êtes très-fort le maître. Je me flatte que ce
a Voyez ci-dessus, p. 137.