<291> c'est le plus galant homme qu'il y ait au monde, et chaque moment le rend plus cher et plus respectable aux citoyens de Berlin.
Je souhaiterais pouvoir, dans le temps présent, vous voir plus tranquille; mais je sens bien que la campagne n'est pas encore finie en Silésie, et qu'il n'y aura que la rigueur de la saison qui éloignera les armées. J'en reviens, Sire, à mon refrain ordinaire : conservez votre santé, et tout ira bien à la fin, malgré la fureur et l'acharnement de vos ennemis. Je vous répète ce que j'ai eu l'honneur de vous écrire dans ma dernière lettre : vous n'êtes pas un Dieu, et il fallait l'être pour prévenir l'aventure de Schweidnitz. D'ailleurs, votre campagne est admirable, et l'armée russe est aussi délabrée que si elle avait perdu la plus grande bataille; le reste se réparera, et votre génie m'en est le garant. J'ai l'honneur, etc.
197. DU MÊME.
Berlin, 3 novembre 1761.
Sire,
Je suis bien éloigné de croire que les événements particuliers n'influent pas infiniment sur le général des affaires; mais, depuis le commencement de cette guerre, j'ai adopté une maxime du Télémaque de M. de Cambrai pour en faire la base et le fondement de ma façon de penser.a « Avant que les accidents fâcheux arrivent, dit Mentor, il faut tout mettre en œuvre pour les prévenir; quand ils sont arrivés, il ne reste plus qu'à les mépriser. » Ce qui m'a fortifié dans cette
a Fénélon, archevêque de Cambrai, fait dire à Mentor, au milieu du premier livre des Aventures de Télémaque : « Avant que de se jeter dans le péril, il faut le prévoir et le craindre; mais, quand on y est, il ne reste plus qu'à le mépriser. »