224. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 9 mars 1762.
Sire,
Les nouvelles que Votre Majesté m'a fait la grâce de m'écrire sont admirables, et je ne doute pas qu'incessamment vous n'en receviez qui accompliront toutes vos espérances. L'on n'est pas seulement joyeux, à Berlin, d'être débarrassé de notre plus dangereux ennemi, mais l'on est charmé de voir que l'on pourra rendre à nos deux principaux antagonistes tout le mal qu'ils voulaient nous faire, et celui qu'ils nous ont fait. Ce sont de bonnes gens que vos citoyens de Berlin, et qui méritent bien l'amitié que vous leur témoignez. On se prépare ici à des fêtes dont je vous enverrai le récit pour vous amuser, dès que le simple armistice ou la suspension d'armes aura été signée à Stargard. Jugez ce que l'on fera à la signature de la paix avec la Russie; car on est si outré contre les Autrichiens et les Français, qu'on se soucie fort peu d'avoir la paix avec eux.
Votre conte est charmant, ingénieux, léger; pas un vers, pas un mot, pas une syllabe à changer. L'idée en est nouvelle, l'application très-juste. J'ai l'honneur de le répéter à V. M., ce petit ouvrage est charmant; vous y avez répandu toute la gaieté dont votre esprit doit se ressentir dans l'heureuse situation des affaires.
Je souhaite que la diversion ait lieu; cela achèverait de punir vos ennemis de leur audace effrénée et à laquelle ils comptaient ne mettre point de bornes. Mais ces superbes Autrichiens et ces fiers Français commencent à ne plus avoir d'avantages réels que dans les gazettes de Hollande, dont ils ont acheté tous les gazetiers. Il y avait dans celle du 29 févriera et dans celle du 2 un démenti formel qu'il y eût aucune négociation, encore moins aucun armistice entre la Prusse
a L'année 1762 n'était pas une année bissextile.