<380>Si V. M. veut troquer ces quinze vers contre un gros volume indouze auquel je travaille assidûment depuis un an, et que je compte d'avoir l'honneur de lui envoyer dans peu de temps, je serai fort content de vous donner le travail de douze mois pour celui d'une heure de temps, et je croirai avoir gagné encore cent pour cent à ce troc. Il y a un vers, dans votre Épître, qu'il faut absolument changer :
Ne lui dépeignez point le martyr qui vous presse.a
Il faut absolument :
Ne lui dépeignez point le martyre qui vous presse.
Alors le vers n'y est plus. Voilà la seule chose que j'ai trouvée à redire dans votre charmante Épître.
J'ai vu la promise de M. de Catt;b elle m'a paru très-aimable, elle est fort jolie, et tout le monde dit beaucoup de bien de son caractère. Ce n'est pas pour un homme de lettres une petite affaire que d'avoir une bonne femme. Je serais mort dix fois ou devenu fou depuis trois ans, si je n'avais pas été assez heureux pour avoir la mienne. On doit dire des femmes ce qu'Ésope disait de la langue : Il n'y a rien de meilleur, et rien de plus mauvais.
Je prends la liberté d'envoyer à V. M. la feuille d'une gazette d'Utrecht dans laquelle il y a un article concernant les anciens sujets de Mithridate. Je serais bien fâché qu'il fût véritable, et je ne m'étonnerais plus, s'il l'était, de voir que ce dont V. M. m'avait fait la grâce de me parler n'a point encore eu lieu.
On assure que V. M. fait assiéger Schweidnitz. Lorsque vous l'aurez pris, envoyez-nous donc des postillons pour réjouir un peu les bons Berlinois, et ne faites pas comme la dernière fois que vous le reprîtes, où vous ne daignâtes pas nous envoyer une simple estafette.
a Voyez t. XII, p. 253, v. 5.
b Voyez, t. XIV, p. XI et XII, no XXX, et p. 140-157.