<428> procédés; il est dans la misère, et, au lieu de le soulager, on précipite sa ruine. Voilà, mon cher, un tableau de la Saxe peint au naturel. Pour moi, je regarde toutes ces exécutions en spectateur indifférent, mais, en qualité de cosmopolite, je ne saurais les approuver.
Je travaille ici tout doucement à l'arrangement de l'intérieur des provinces; le gros détail de l'armée est achevé. Les Français ont signé leur paix cinq jours avant nous. Avouez que nous les avons suivis de près, et qu'on ne pouvait guère conclure un aussi grand ouvrage plus galamment que nous ne l'avons fait. Sa Majesté Polonaise n'est pas encore guérie; sa santé est chancelante. Son retour est envisagé par les Saxons comme une calamité publique, comme un fléau plus cruel que celui de la guerre et de la famine. Mais que vous importe, et à moi, cette Saxe, son roi, son ministre et tout ce tripot? J'aspire à me tranquilliser l'esprit et à me débarrasser un peu des affaires, pour me donner du bon temps et réfléchir dans le silence des passions sur moi-même, pour me trouver renfermé dans l'intérieur de mon âme et m'éloigner de toute représentation, qui, à vous dire vrai, me devient de jour en jour plus insupportable. A propos, d'Alembert a refusé toutes les offres de la Russie. J'applaudis fort à cette marque évidente de son désintéressement, et je crois qu'il a pris un parti sage de ne point s'exposer à la fortune vagabonde. Mais basta; cette corde est trop délicate pour la toucher.
Bonsoir, mon cher marquis : il est tard, j'ai demain encore bon nombre d'affaires à expédier, et j'espère recevoir durant mon séjour de Saxe quelques lettres de votre part. Adieu, mon cher marquis : vivez content, soignez votre santé, et ne m'oubliez pas.