<441> homme qui, égalant la gloire de ce premier empereur, la sagesse du second, digérait cependant fort bien; donc tous les philosophes doivent avoir un bon estomac. Ce raisonnement n'est pas concluant, et pèche contre toutes les règles de la logique. Ainsi vous n'êtes pas en droit de prétendre que je doive bien me porter parce que vous avez essuyé plus de fatigues dans un jour que je n'en ai eu pendant dix ans. En vérité, Sire, je suis bien fâché que la seule chose sur laquelle vous n'ayez pas raisonné conséquemment soit sur ma santé. Plût à Dieu que vous fussiez aussi grand médecin que vous êtes grand roi! Il y a longtemps que j'aurais la force d'Hercule; vous auriez joint ce bienfait à tant d'autres dont vous m'avez comblé, et dont je conserverai le souvenir au delà du tombeau, si nos âmes connaissent après leur mort ce qui leur est arrivé pendant la vie. Passez-moi ce petit trait de pyrrhonisme au milieu d'un pays où règne la foi de l'Église contre laquelle les portes de l'enfer ne prévaudront pas. Il me reste de temps en temps quelques doutes dont je vous demanderai la solution dans le palais philosophique de Sans-Souci.
Le fils de Grégory, un de nos bons négociants de Berlin, est à Marseille, chez les plus riches banquiers de cette ville; il m'a promis de me venir voir à Éguilles avant son départ, qui n'est pas éloigné. J'aurai l'honneur de lui remettre une lettre pour V. M., qui sera plus sensée que celle-ci, et qui vous prouvera, Sire, que le soleil de Provence ne fait pas fermenter les têtes et les cervelles qui ont été tempérées par la froideur des climats du Nord.
La cour vient de rendre une ordonnance par laquelle elle détruit les maisons des jésuites dans les provinces de l'Alsace, de la Franche-Comté, du Hainaut et de la Flandre, qui les avaient conservées; en même temps, elle permet aux jésuites qui étaient sortis du royaume d'y retourner et d'y vivre sans prêter de serment. V. M. sait Racine par cœur; qu'elle me permette d'en citer ici ce passage :