58. AU MEME.
Landeshut, 13 mai 1759.
Vous avez commandé, mon cher marquis, et j'ai obéi tout de suite. Vous recevez ici deux pièces pour votre Mercure de Harbourg : l'une est un Bref du pape au maréchal Daun,79-a capable de faire frémir ceux qui ont encore quelque penchant pour Martin Luther; l'autre est une Lettre du prince de Soubise79-a à ce maréchal sur cette épée, qui m'a paru la rendre assez ridicule. Vous n'avez qu'à tailler et rogner ce qu'il vous plaira, et accommoder les idées à votre fantaisie, comme vous le jugerez à propos. Après avoir dit mon mot, je prends congé de la benoîte toque et de la papale flamberge, à moins qu'un grand hasard favorable, comme il en arrive à la guerre, ne me fasse tomber<80> ces pièces entre les mains. Je me moquerai de cette infâme canaille tant que je respirerai, et, si je ne puis les battre, du moins les déchirerai-je du bec, et les ferai enrager, en tant qu'il sera en mon pouvoir. Ces gens sont tous pétris de ridicules et de sottises; il ne s'agit que de les relever, et cela se peut faire en les accablant de louanges et en ne leur disant rien de moquant. Le Bien-Aimé, la carogne apostolique et la p..... grecque me font tant de mal, qu'il n'y a aucun ménagement à garder avec eux. Je n'épargnerai ni plume ni encre pour leur lâcher quelque trait qui les désespère, et vous aussi. Fortifié de cet appui, je serai comme Philoctète lorsqu'il combattait à côté d'Hercule. Je terrasserai tous ces monstres et cette hydre d'ennemis renaissants qui s'élancent sans cesse contre moi. Adieu, mon cher marquis; travaillez bien contre ces suppôts de l'infâme. Aimez-moi un peu; je vous embrasse de tout mon cœur.
79-a Voyez t. XV, p. 132 et 134.