168. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 4 avril 1761.
Sire,
Je ne dirai point à Votre Majesté combien la nouvelle de la levée du siége de Cassel m'a chagriné; elle jugera bien par elle-même de la peine que j'ai dû ressentir. Mais j'ai vu dans cette guerre tant d'événements fâcheux heureusement réparés, que je me flatte que celui-ci aura le même sort. M. Gotzkowsky est revenu de chez les Russes, où il a essuyé des peines et des risques considérables; il a pensé être arrêté pour otage, et c'est un des moindres désagréments qu'il ait eus, ayant pensé périr plusieurs fois. C'est véritablement un brave et bon citoyen. Il a fini l'affaire de la contribution, sur laquelle je dois faire ressouvenir de ce que j'écrivis il y a six mois à V. M. Si la contribution se lève comme celle qu'on a payée à Hadik, plus de dix mille âmes quitteront Berlin, qui aimeront mieux aller chercher fortune que de payer une somme équivalente à celle qu'ils peuvent gagner dans deux ans. Je crains qu'aucun homme en place ne vous représente cette vérité, et le zèle que j'ai pour V. M. ne me permet pas de la lui dissimuler. Je la supplie de me pardonner la liberté que je prends; mais c'est que je vois ici le train que prennent les choses, et combien de gens ont pris des arrangements pour quitter; ainsi je dois ne lui rien déguiser. Il y a un moyen pour payer la contribution sans qu'elle soit à charge ni à vous, ni à votre capitale; et le projet que les négociants, qui ont avancé de grandes sommes, ont formé me paraît très-bon et très-facile. Enfin, Sire, vous en jugerez cent fois mieux que moi, et vous faites toujours les choses pour le mieux. Le ciel vous conserve à vos sujets et à vos fidèles serviteurs, et tout ira bien. J'ai l'honneur d'être, etc.