279. AU MARQUIS D'ARGENS.
Torgau, 7 novembre 1762.
Je vois, mon cher marquis, la véritable part que vous prenez à nos succès. Il faut avouer que nous n'avons pas, quant à nos expéditions militaires de cette année, lieu de nous plaindre de la fortune. Je voudrais en pouvoir dire autant de la politique. Ces deux béquilles, qui devraient soutenir ma marche, sont toujours inégales, et me font boiter tantôt d'un côté, tantôt d'un autre. Si vous savez quelque secret pour les redresser, daignez en grâce me le communiquer. Je pars demain pour Meissen. S'il y a moyen de prendre Dresde sans trop hasarder, nous le prendrons, ou, si cela ne réussit pas, nous préambulerons sur les quartiers d'hiver et sur les arrangements qui<418> m'achemineront à vous revoir à Leipzig, comme vous me l'avez promis. Voilà Cassel pris; cela serait divin, si un certain scélérat, plus rouable que Cartouche,418-a ne tenait un certain poste en certaine île. Durant la conjoncture présente, la reddition de Cassel ne sera qu'une ville prise, et rien de plus. Tous mes vœux et mes désirs visent à une bonne paix. Ce qui mène là, mon cher marquis, me réjouit; les branches collatérales ne m'affectent guère. Adieu, mon cher; portez-vous bien, et soyez aussi joyeux qu'il est permis de l'être à notre âge, pour que je puisse passer quelques moments tranquilles et sans agitation d'esprit avec vous. Je crois que nous pourrons nous revoir le 1er décembre, à Leipzig; mais je vous en écrirai auparavant, et vous enverrai un chasseur pour vous conduire. Adieu.
418-a Cartouche fut roué le 28 novembre 1721. Voyez ci-dessus, p. 351.