281. DU MÊME.
Berlin, 22 novembre 1762.
Sire,
En recevant la lettre de Votre Majesté, j'ai d'abord fait retentir le bruit de la hache sur les chênes, j'ai fait allumer les forges de Vulcain, j'ai fait dépouiller de leurs peaux les habitants des forêts. Tout cela, dit prosaïquement, signifie que j'ai fait venir un pelletier pour acheter une bonne pelisse, un charron et un maréchal pour refaire mon carrosse à demi ruiné, et le mettre en état de me conduire par les mauvais chemins sans accident. J'attends donc les derniers ordres de V. M. et le chasseur qu'elle veut bien m'envoyer pour me guider dans ma route.
V. M. m'ayant permis, dans les voyages que j'ai faits jusqu'à présent, de mener madame d'Argens pour soigner ma dolente et vieille machine, qui n'est ni meilleure ni rajeunie depuis ces voyages, je ne sais pas ce que je dois faire, puisque j'ignore sa volonté à ce sujet. J'attendrai donc, pour prendre mes arrangements sur cet article, ce qu'il vous plaira de décider.
J'ai l'honneur, Sire, de vous remercier des porcelaines dont vous me parlez; mais je puis assurer V. M. que mon zèle pour elle<421> ressemble à l'amour de Dieu des jansénistes, qui ne l'aiment que pour lui seul, et, quand même vous ne me témoigneriez pas toutes les bontés dont vous m'honorez, je n'en serais pas moins le plus zélé de vos sujets et le plus grand de vos admirateurs, quoique tous les gens qui respectent les grandes vertus et les qualités héroïques soient de leur nombre. Et quel est l'homme raisonnable qui, après ce qui s'est passé depuis sept ans, puisse vous refuser son admiration? J'ai l'honneur, etc.