315. AU MARQUIS D'ARGENS.
1768.
Ce n'est pas assurément l'auteur de la Philosophie du bon sens473-a qui m'a écrit aujourd'hui; c'est tout au plus celui des songes creux. Que vous est-il arrivé depuis avant-hier? Vous me demandez le congé473-b à brûle-pourpoint; je vous avoue que vous êtes inintelligible. Je vous ai traité avec toute l'amitié chez moi; j'ai été bien aise de vous avoir. Ce n'est point pour vous faire des reproches que je vous rappelle tout ceci, mais pour que vous fassiez réflexion à l'esclandre qu'une imagination provençale va vous faire faire à l'âge de soixante-quatre ans. Oui, je le confesse, les Français surpassent en folie tout ce que j'en ai cru. Autrefois, l'âge de trente ans leur ramenait la raison; à présent, il n'y a plus de terme pour eux. Enfin, monsieur le marquis, vous ferez tout ce qu'il vous plaira. Il ne faut plus vous compter au rang des philosophes, et vous me confirmez dans l'opinion que j'ai toujours eue, que les princes ne sont dans le monde que pour y faire des ingrats.
473-a Voyez t. XII, p. 98.
473-b Voyez la lettre de M. de Catt au Roi. du 26 septembre 1768, avec la réponse de la main de Frédéric écrite au bas.