<106> ministre du grand-duc de Toscane à Vienne; il savait que le Cardinal était tout disposé à sacrifier les alliés de la France, si la cour de Vienne lui offrait le Luxembourg et une partie du Brabant : il s'agissait donc de manœuvrer adroitement, surtout de ne point se laisser prévenir par un vieux politique qui s'était joué, dans la dernière guerre, de plus d'une tête couronnée.
L'événement justifia bientôt ce que le Roi avait prévu de l'indiscrétion de la cour de Vienne : elle divulgua le prétendu traité avec la Prusse en Saxe, en Bavière, à Francfort-sur-le-Main, et partout où elle avait des émissaires. Le comte de Podewils, ministre des affaires étrangères, avait été chargé, à son retour de la Silésie, de passer par Dresde pour sonder cette cour, qui avait marqué sans cesse beaucoup de jalousie et de mauvaise volonté pour tout ce qui intéressait la Prusse : il y trouva le maréchal de Belle-Isle furieux de ce qu'il venait d'apprendre d'un certain Koch, émissaire de la cour de Vienne, qui, après lui avoir fait des propositions de paix, que le maréchal rejeta, lui déclara que sa cour s'était à tout hasard accommodée avec le roi de Prusse. Bien plus, toute la ville de Dresde était inondée de billets qui avertissaient les Saxons de suspendre la marche de leurs troupes pour la Bohême, à cause que le roi de Prusse, réconcilié avec la reine de Hongrie, se préparait à faire une invasion en Lusace. La timidité ombrageuse du comte de Brühl fut rassurée par la fermeté hardie du comte de Podewils, et les Saxons marchèrent en Bohême. Sur ces entrefaites, l'électeur de Bavière communiqua au Roi une lettre de l'impératrice Amélie, qui l'exhortait à s'accommoder avec la reine de Hongrie avant le mois de décembre, vu que cette princesse se trouverait obligée de ratifier les préliminaires dont elle était convenue avec les Prussiens. Cette conduite de la cour de Vienne dégageait le Roi de tous ses engagements. On verra dans la suite de cet ouvrage que cette cour paya cher son indiscrétion.
La guerre avait souvent changé de théâtre pendant ces négocia-