<12> s'était abandonné, lui et son royaume, à la direction du cardinal de Fleury.
Philippe V que Louis XIV avait placé, en se ruinant, sur le trône d'Espagne, y régnait encore. Ce prince avait le malheur d'être sujet à des attaques d'une mélancolie noire, qui approchait assez de la démence : il avait abdiqué, l'année 1726,a en faveur de son fils Louis, et il reprit le gouvernement, l'année 1727,a après la mort de ce prince. Cette abdication s'était faite contre la volonté de la reine Élisabeth Farnèse, née princesse de Parme : elle aurait voulu gouverner le monde entier; elle ne pouvait vivre que sur le trône. On l'accusa d'avoir précipité la mort de Don Louis, fils d'un premier lit de Philippe V. Les contemporains ne peuvent ni l'accuser ni la justifier de ce meurtre, parce qu'il est impossible, d'un certain éloignement, de discuter et d'approfondir des détails aussi mystérieusement cachés.
La Reine, pour empêcher le Roi de prendre désormais des dégoûts pour le trône, l'y retint en entreprenant continuellement de nouvelles guerres, soit avec les Barbaresques, soit avec les Anglais, soit avec la maison d'Autriche. La fierté d'un Spartiate, l'opiniâtreté d'un Anglais, la finesse italienne et la vivacité française, formaient le caractère de cette femme singulière : elle marchait audacieusement à l'accomplissement de ses desseins; rien ne la surprenait, rien ne pouvait l'arrêter.
Le cardinal Alberoni, si célèbre dans son temps, avait un génie ressemblant à celui de cette princesse; il travailla longtemps sous elle. La conspiration du prince Cellamare perdit ce ministre, et la Reine fut obligée de l'exiler, pour satisfaire à la vengeance du duc d'Orléans, régent de France. Un Hollandais de nation, nommé Ripperda, remplit cette place importante : il avait de l'esprit; cependant ses malversations furent cause qu'il ne put se soutenir longtemps. Ces changements de ministres furent imperceptibles en Espagne, parce que
a Philippe V abdiqua le 15 janvier 1724; mais il reprit le pouvoir le 5 septembre de la même année, après la mort de son fils Louis, qui eut lieu le 1er août.