<131> il fut obligé de chasser le sieur Walpole,a que mylord Carteret remplaça. Un mécontentement à peu près semblable, dans le siècle passé, coûta la vie au roi Charles Ier : c'était l'ouvrage du fanatisme, et la chute de Walpole ne peut s'attribuer qu'à une cabale de parti. Tous les seigneurs voulaient parvenir au ministère : Walpole avait occupé cette place trop longtemps. Après l'avoir culbuté, la possibilité de réussir donna une nouvelle effervescence à l'ambition des grands; ce qui fit que dans la suite cet emploi passa de main en main, et devint de toutes les places du royaume la plus movible.

Le cardinal de Fleury fut très-mécontent de ce changement : il s'accommodait assez de la conduite modérée de Walpole, et il craignait tout de l'impétuosité de Carteret, qui, à l'exemple d'Annibal, avait juré une haine implacable à tout ce qui portait le nom français. Cet Anglais ne démentit pas l'opinion qu'on avait de lui : il fit payer des subsides à la reine de Hongrie; il la prit sous sa protection; il fit passer des troupes anglaises en Flandre; et, pour diminuer le nombre des ennemis de l'Autriche, il s'engagea envers le Roi de lui procurer une paix avantageuse. Ces offres furent reçues avec reconnaissance, quoique le Roi fût bien déterminé à n'avoir l'obligation de la paix qu'à la valeur de ses troupes, et à ne point fonder ses espérances sur l'incertitude d'une négociation. M. de Broglie, qui se trouvait à Pisek, avec une douzaine de ducs et pairs, à la tête de dix mille hommes, fit tant par ses représentations, que le Cardinal résolut de lui envoyer quelques secours. On ne les rassembla qu'au printemps, et ils arrivèrent trop tard; faute souvent reprochée aux Français, de n'avoir pas pris leurs mesures à temps. Amis des Autrichiens, ils leur avaient fait perdre Belgrad : à présent qu'ils étaient leurs ennemis, ils ne leur faisaient aucun mal; cette dernière paix ressemblait à la guerre, et cette dernière guerre, à la paix. C'est par cette conduite molle qu'ils perdirent les affaires de l'Empereur, et


a Voyez ci-dessus, p. 14.