<146> trésor que le feu roi avait laissé, se trouva presque épuisé; mais c'est acheter à bon marché des États, quand il n'en coûte que sept ou huit millions. Le bénéfice des conjonctures seconda surtout cette entreprise : il fallut que la France se laissât entraîner dans cette guerre; que la Russie fût attaquée par la Suède; que, par timidité, les Hanovriens et les Saxons restassent dans l'inaction; que les succès fussent non-interrompus, et que le roi d'Angleterre, ennemi des Prussiens, devînt, en frémissant de rage, l'instrument de leur agrandissement. Ce qui contribua le plus à cette conquête, c'était une armée qui s'était formée pendant vingt-deux ans par une admirable discipline, et supérieure au reste du militaire de l'Europe; des généraux vrais citoyens, des ministres sages et incorruptibles, et enfin un certain bonheur qui accompagne souvent la jeunesse et se refuse à l'âge avancé. Si cette grande entreprise avait manqué, le Roi aurait passé pour un prince inconsidéré, qui avait entrepris au delà de ses forces : le succès le fit regarder comme heureux. Réellement ce n'est que la fortune qui décide de la réputation : celui qu'elle favorise est applaudi; celui qu'elle dédaigne est blâmé.
Après l'échange des ratifications,a le Roi retira ses troupes de la Bohême. Une partie passa par la Saxe pour rentrer dans ses pays héréditaires; l'autre partie marcha en Silésie, et fut destinée à garder cette nouvelle conquête.
a Il eut lieu à Berlin, le 28 juillet.