<16> en avait point qu'il n'eût marchandé ou corrompu, vit que ses gui-nées ne l'emportaient pas toujours sur la force et l'évidence du raisonnement.
L'Angleterre entretenait alors quatre-vingts vaisseaux des quatre premiers rangs, et cinquante vaisseaux d'un ordre inférieur, environ trente mille hommes de troupes de terre. Ses revenus, en temps de paix, montaient à vingt-quatre millions d'écus; elle avait au delà une ressource immense dans la bourse des particuliers, et dans la facilité de lever des impôts sur des sujets opulents. Elle donnait alors des subsides au Danemark, pour l'entretien de six mille hommes; à la Hesse, pour un nombre pareil; ce qui, joint à vingt-deux mille Hanovriens, lui fournissait en Allemagne un corps de trente-quatre mille hommes à sa disposition. Les amiraux Wager et Ogle avaient la réputation d'être ses meilleurs marins : pour les troupes de terre, le duc d'Argyle et mylord Stair étaient les seuls qui eussent des prétentions fondées à primer les premiers emplois, quoique ni l'un ni l'autre n'eussent jamais commandé des armées.
Le sieur Lyttelton passait pour l'orateur le plus véhément; le lord Hardwicke, pour l'homme le plus instruit; mylord Chesterfield, pour le plus spirituel; le lord Carteret, pour le politique le plus violent.
Quoique les sciences et les arts se fussent enracinés dans ce royaume, la douceur de leur commerce n'avait pas fléchi la férocité des mœurs nationales. Le caractère dur des Anglais voulait des tragédies sanglantes : ils avaient perpétué ces combats de gladiateurs qui font l'opprobre de l'humanité; ils avaient produit le grand Newton, mais aucun peintre, aucun sculpteur, ni aucun bon musicien. Pope florissait encore, et embellissait la poésie des idées mâles que lui fournissaient les Shaftesbury et les Bolingbroke. Le docteur Swift, qu'on ne peut comparer à personne, était supérieur à ses compatriotes pour le goût, et se signalait par des critiques fines des mœurs et des usages.