<4> mérite perça rapidement. Les services signalés qu'il rendit, et la supériorité de son mérite, l'élevèrent dans peu aux premiers grades militaires : il devint généralissime, président du conseil de guerre, et enfin premier ministre de l'empereur Charles VI. Ce prince se trouva donc chef de l'armée impériale; il gouverna non seulement les provinces autrichiennes, mais l'Empire même; et proprement il était empereur. Tant que le prince Eugène conserva la vigueur de son esprit, les armes et les négociations des Autrichiens prospérèrent : mais lorsque l'âge et les infirmités lui affaiblirent l'esprit, cette tête qui avait si longtemps travaillé pour le bien de la maison impériale, fut hors d'état de continuer ce même travail, et de lui rendre les mêmes services. Quelles réflexions humiliantes pour notre vanité! Un Condé, un Eugène, un Marlborough voient l'extinction de leur esprit précéder celle de leur corps; et les plus vastes génies finissent par l'imbécillité! Pauvres humains, ensuite glorifiez-vous si vous l'osez!
La décadence des forces du prince Eugène fut l'époque des intrigues de tous les ministres autrichiens. Le comte de Sinzendorff acquit le plus de crédit sur l'esprit de son maître. Il travaillait peu, il aimait la bonne chère : c'était l'Apicius de la cour impériale; et l'Empereur disait que les bons ragoûts de son ministre lui faisaient de mauvaises affaires. Ce ministre était haut et fier; il se croyait un Agrippa, un Mécène. Les princes de l'Empire étaient indignés de la dureté de son gouvernement; en cela bien différent du prince Eugène, qui, n'employant que la douceur, avait su mener plus sûrement le corps germanique à ses fins. Lorsque le comte de Sinzendorff fut employé au congrès de Cambrai, il crut avoir pénétré le caractère du cardinal de Fleury : le Français, plus habile que l'Allemand, le joua sous la jambe, et Sinzendorff retourna à Vienne, persuadé qu'il gouvernerait la cour de Versailles comme celle de l'Empereur.
Peu de temps après, le prince Eugène qui voyait l'Empereur toujours occupé des moyens de soutenir sa pragmatique sanction, lui