<XII> sommes, et surtout que c'est au prix du sang de tant de milliers d'hommes que ces conquêtes ont été achetées, qui ne serait point ému à la vue de tant de misérables qui sont les victimes de ces funestes querelles? Mais si vous êtes touchés par le malheur d'un particulier, ou si vous vous attendrissez à l'infortune qui réduit une famille entière à la misère, combien plus ne devez-vous pas l'être en voyant les vicissitudes des plus florissants empires et des monarchies les plus puissantes de l'Europe? et c'est la plus belle leçon de modération qu'on puisse vous donner. Considérer les écueils, les naufrages, débris de l'ambition, c'est ouvrir l'oreille à la voix de l'expérience, qui vous crie : Rois, princes, souverains à venir, que la fable d'Icare, qui nous peint la punition de l'ambitieux, vous fasse éviter sans cesse cette passion insatiable et fougueuse.
Je dis plus : si un Louis le Grand a éprouvé des revers prodigieux; si un Charles XII a été presque dépouillé de ses États; si le roi Auguste fut détrôné en Pologne, et son fils, déposé en Saxe; si l'Empereur fut chassé de ses États : quel mortel oserait se croire au-dessus d'une semblable destinée, et hasarder sa fortune contre l'incertitude des événements, l'obscurité de l'avenir, et ces hasards inopinés qui renversent en un clin d'œil la sagacité des projets les plus profonds et les plus ingénieux? L'histoire de la cupidité est l'école de la vertu : l'ambition fait des tyrans, la modération fait des sages!