<31> le bonheur de la servir comme un aussi bon et digne maître mérite de l'être. Je suis, etc.
5. A M. DARGET.
Potsdam, 10 novembre 1749.
Ne vous abandonnez point à la douleur; si vous êtes raisonnable, vous devez penser que nous ne sommes point immortels, que la vie est courte, et que, pour le peu de temps que nous avons à vivre, ce n'est pas la peine de nous affliger. Les événements sont au-dessus de nous, et c'est se rendre criminel que de murmurer en philosophe contre les lois de la nature et en chrétien contre la volonté de la Providence. Pensez que le ciel ne vous enlève qu'une partie de ce qu'il vous a donné, et que c'est lui faire injure que de mépriser tous les dons qu'il vous laisse encore. Vous avez un fils; c'est votre devoir de penser à l'élever et à lui donner une bonne éducation. Toute votre douleur est perdue; ceux qui sont morts l'ignorent, et les vivants exigent de vous que, après les premiers mouvements, vous lui donniez de justes bornes. Au lieu de vous abandonner à votre affliction, songez à vous distraire. Dès que vous aurez arrangé ce qu'il faut, venez ici; je n'exige rien de vous, sinon que vous vous dissipiez. Le sort de l'humanité est de naître et de mourir; qui s'étonne en voyant arriver ces événements marque qu'il n'a jamais raisonné sur son état. Arrachez vos yeux de l'objet qui vous accable; voyez autre chose. Montaigne dit très-bien que tout dans ce monde a deux anses, une bonne et une mauvaise,a et c'est de la façon que
a « Voilà comment la raison fournit d'apparence à divers effets. C'est un pot à deux anses, qu'on peut saisir à gauche et à dextre. » (Montaigne, Essais, liv. II, chap. XII, vers la fin.)