30. DE M. DARGET.
Le 9 novembre 1754.
Sire,
J'attends de M. le baron de Knyphausen l'exécution des ordres qu'il doit recevoir de V. M., ainsi qu'elle a daigné me l'annoncer par sa lettre du 19 du mois dernier. Des bontés aussi marquées doivent avoir pour moi l'effet le plus avantageux, et surtout si V. M. veut bien en dire un mot à M. le chevalier de La Touche, afin qu'il écrive ici de conformité. Ma fortune sera votre ouvrage, Sire; j'espère que vous ne l'abandonnerez pas, et que, si cela est absolument nécessaire pour décider mon bien-être, V. M. daignera m'accorder une lettre directe pour M. de Séchelles. Elle connaît les hommes, et elle sait combien les choses qui leur deviennent personnelles de la part d'un grand roi et d'un grand homme ont droit de les intéresser. Je ne souhaite ce peu de fortune, Sire, que pour me procurer une liberté sans laquelle il n'est point de vrai bonheur, et de laquelle je ne ferai usage que pour aller porter quelquefois aux pieds de V. M. mes vœux, mon bonheur même et ma respectueuse reconnaissance. Cette espérance, Sire, est à la tête de tous mes projets, et j'ose supplier V. M. de ne pas détruire une idée qui m'anime et qui me soutient.
Je connais le goût de V. M. pour les ouvrages de Lancret,a et je joins ici un mémoire sur dix tableaux de ce maître dont j'ai déterminé un de mes amis à se défaire, s'ils peuvent plaire à V. M. Ce sont, de l'aveu de tout le monde, les plus agréables qui soient sortis de la main de ce peintre, tant pour la correction du dessin que pour l'agrément des figures. Si V. M. trouve bon de me donner quelques ordres à ce sujet, je les exécuterai avec la plus grande exactitude. Ces tableaux sont en si bon état, même pour les bordures, qu'il n'y aurait plus qu'à les mettre en place à leur arrivée.
a Voyez t. XIV, p. 36, et t. XVIII, p. 58.