<8>Je ne me rappelle pas d'avoir fait aucune correction à l'ode que je vous ai adressée. En tout cas, je vous l'envoie telle qu'elle a été retrouvée dans mes archives poétiques. Vous êtes le maître de la faire imprimer, et je consens également que vous publiiez mes lettres. Je doute très-fort cependant qu'elles puissent soutenir le grand jour et la comparaison de vos ouvrages; c'est mettre mon bavardage dans un voisinage trop dangereux. Mais, puisque cela peut vous flatter, je veux bien en courir le risque. On verra aisément que mon objet, en vous écrivant, est moins de quêter des louanges que de vous marquer mon admiration et mon estime.
5. AU MÊME.
Potsdam, 10 septembre 1769.
Ma surprise a été bien agréable en recevant votre charmante lettre, à laquelle je ne m'attendais guère. Je vois avec plaisir que vous n'avez pas oublié un de vos anciens admirateurs et délaissé le Parnasse, comme on me l'avait dit si souvent. Vous auriez eu le plus grand tort du monde d'abandonner un art que vous avez tant embelli, et certes je ne sais pas comment vous auriez pu vous justifier devant les Grâces, vos fidèles amies, qui vous ont si tendrement assuré que vous n'auriez jamais de successeur. Elles vous invitent aujourd'hui à quitter votre silence et votre chaumière pour soutenir l'honneur de la littérature française, qui va s'éclipser. N'oubliez jamais que vous n'avez besoin que de parler le langage de votre génie pour opérer ce que les Grâces exigent de vous, pour fixer les regards et intéresser le goût des sages.