<109>ticité ne m'apprennent point la nature de ce ressort; j'ignore encore la cause de l'élasticité : cependant je monte ma pendule; elle va tant bien que mal.
C'est l'homme que j'examine. De quelques matériaux qu'il soit composé, il faut voir s'il y a en effet du vice et de la vertu. Voilà le point important à l'égard de l'homme, je ne dis pas à l'égard de telle société vivant sous telles lois, mais pour tout le genre humain, pour vous, monseigneur, qui devez régner, pour le bûcheron de vos forêts, pour le docteur chinois, et pour le sauvage de l'Amérique. Locke, le plus sage métaphysicien que je connaisse, semble, en combattant avec raison les idées innées, penser qu'il n'y a aucun principe universel de morale. J'ose combattre ou plutôt éclaircir, en ce point, l'idée de ce grand homme. Je conviens avec lui qu'il n'y a réellement aucune idée innée; il suit évidemment qu'il n'y a aucune proposition de morale innée dans notre âme. Mais de ce que nous ne sommes pas nés avec de la barbe, s'ensuit-il que nous ne soyons pas nés, nous autres habitants de ce continent, pour être barbus à un certain âge? Nous ne naissons point avec la force de marcher; mais quiconque naît avec deux pieds marchera un jour. C'est ainsi que personne n'apporte en naissant l'idée qu'il faut être juste; mais Dieu a tellement conformé les organes des hommes, que tous, à un certain âge, conviennent de cette vérité.
Il me paraît évident que Dieu a voulu que nous vivions en société, comme il a donné aux abeilles un instinct et des instruments propres à faire le miel. Notre société ne pouvant subsister sans les idées du juste et de l'injuste, il nous a donc donné de quoi les acquérir. Nos différentes coutumes, il est vrai, ne nous permettront jamais d'attacher la même idée de juste aux mêmes notions. Ce qui est crime en Europe sera vertu en Asie, de même que certains ragoûts allemands ne plairont point aux gourmands de France; mais Dieu a tellement façonné les Allemands et les Français, qu'ils aimeront tous