<153> sur la Russie, que vous avez daigné faire parvenir jusqu'à moi, et dont j'étais extrêmement en peine.
Ils ont l'air d'être écrits par un homme bien au fait, et qui connaît bien l'intérieur du pays. Je ne suis point étonné de voir dans le czar Pierre Ier les contrastes qui déshonorent ses grandes qualités; mais tout ce que je peux dire pour excuser ce prince, c'est qu'il les sentait. Un bourgmestre d'Amsterdam le louait un jour de ce qu'il voulait réformer sa nation : « J'y aurai beaucoup de peine, répondit le Czar; mais j'ai un plus grand ouvrage à entreprendre. - Eh! quel est-il? dit le Hollandais. - C'est de me réformer moi-même, » reprit le Czar. Je conviens, monseigneur, que c'était un barbare; mais enfin c'est un barbare qui a créé des hommes, c'est un barbare qui a quitté son empire pour apprendre à régner, c'est un barbare qui a lutté contre l'éducation et contre la nature. Il a fondé des villes, il a joint des mers par des canaux; il a fait connaître la marine à un peuple qui n'en avait pas d'idée; il a voulu même introduire la société chez des hommes insociables.
Il avait de grands défauts, sans doute; mais n'étaient-ils pas couverts par cet esprit créateur, par cette foule de projets tous imaginés pour la grandeur de son pays, et dont plusieurs ont été exécutés? n'a-t-il pas établi les arts? n'a-t-il pas, enfin, diminué le nombre des moines? V. A. R. a grande raison de détester ses vices et sa férocité; vous haïssez dans Alexandre, dont vous me parlez, le meurtrier de Clitus; mais n'admirez-vous pas le vengeur de la Grèce, le vainqueur de Darius, le fondateur d'Alexandrie? ne songez-vous pas qu'il vengeait les Grecs de l'insolent orgueil des Perses, qu'il fondait des villes qui sont devenues le centre du commerce du monde, qu'il aimait les arts, qu'il était le plus généreux des hommes? Le Czar, dites-vous, monseigneur, n'avait pas la valeur de Charles XII. Cela est vrai; mais enfin ce czar, né avec peu de valeur, a donné des batailles, a vu bien