<160> des mouvements en conséquence, pouvoir très-borné, comme toutes mes facultés.
2o Est-ce moi qui pense et qui opère des mouvements? Est-ce un autre qui fait tout cela pour moi? Si c'est moi, je suis libre; car être libre, c'est agir. Ce qui est passif n'est point libre. Est-ce un autre qui agit pour moi, je suis trompé par cet autre quand je crois être agent.
3o Quel est cet autre qui me tromperait? Ou il y a un Dieu, ou non. S'il est un Dieu, c'est lui qui me trompe continuellement. C'est l'Être infiniment sage, infiniment conséquent, qui, sans raison suffisante, s'occupe éternellement d'erreurs opposées directement à son essence, qui est la vérité.
S'il n'y a point de Dieu, qui est-ce qui me trompe? Est-ce la matière, qui d'elle-même n'a pas d'intelligence?
4o Pour nous prouver, malgré ce sentiment intérieur, malgré ce témoignage que nous nous rendons de notre liberté; pour nous prouver, dis-je, que cette liberté n'existe pas, il faut nécessairement prouver qu'elle est impossible. Cela me paraît incontestable. Voyons comme elle serait impossible.
5o Cette liberté ne peut être impossible que de deux façons : ou parce qu'il n'y a aucun être qui puisse la donner, ou parce qu'elle est en elle-même une contradiction dans les termes, comme un carré plus long que large est une contradiction. Or, l'idée de la liberté de l'homme ne portant rien en soi de contradictoire, reste à voir si l'Être infini et créateur est libre, et si, étant libre, il peut donner une partie de son attribut à l'homme, comme il lui a donné une petite portion d'intelligence.
6o Si Dieu n'est pas libre, il n'est pas un agent; donc il n'est pas Dieu. Or, s'il est libre et tout-puissant, il suit qu'il peut donner à l'homme la liberté. Reste donc à savoir quelle raison on aurait de croire qu'il ne nous a pas fait ce présent.