<183>Pour ne rien laisser en arrière, je dois vous faire remarquer une inconséquence qui me paraît être dans le plaisir que Dieu prend de voir agir des créatures libres. On ne s'aperçoit pas qu'on juge de toutes choses par un certain retour qu'on fait sur soi-même; par exemple, un homme prend plaisir à voir une république laborieuse de fourmis pourvoir avec une espèce de sagesse à sa subsistance; de là on s'imagine que Dieu doit trouver le même plaisir aux actions des hommes. Mais on ne s'aperçoit pas, en raisonnant de la sorte, que le plaisir est une passion humaine, et que, comme Dieu n'est pas un homme, qu'il est un être parfaitement heureux en lui-même, il n'est susceptible de recevoir aucune impression, ni de joie, ni d'amour, ni de haine, ni de toutes les passions qui troublent les humains.
On soutient, il est vrai, que Dieu voit le passé, le présent et l'avenir; que le temps ne le vieillit point; et que le moment d'à présent, des mois, des années, des mille milliers d'années, ne changent rien à son être, et ne sont, en comparaison de sa durée qui n'a ni commencement ni fin, que comme un instant, et moins encore qu'un clin d'œil.
Je vous avoue que le Dieu de M. Clarke m'a bien fait rire. C'est un Dieu assurément qui fréquente les cafés, et qui se met à politiquer avec quelques misérables nouvellistes sur les conjonctures présentes de l'Europe. Je crois qu'il doit être bien embarrassé à présent pour deviner ce qui se fera, la campagne prochaine, en Hongrie, et qu'il attend avec grande impatience l'arrivée des événements, pour savoir s'il s'est trompé dans ses conjectures, ou non.
Je n'ajouterai qu'une réflexion à celles que je viens de faire; c'est que ni le franc arbitre ni la fatalité absolue ne disculpent pas la Divinité de sa participation au crime; car, que Dieu nous donne la liberté de malfaire, ou qu'il nous pousse immédiatement au crime, cela revient à peu près au même; il n'y a que du plus ou du moins. Remontez à l'origine du mal, vous ne pourrez que l'attribuer à Dieu,