<204>sidération particulière à M. de Printzen, lui procurer, suivant son expression, le plaisir d'exercer son adresse sur ces malheureux. Jugez de l'effet qu'une semblable proposition dut faire sur un homme qui avait des sentiments et le cœur bien placé. De Printzen, qui ne le cédait en sentiments à qui que ce fût, rejeta une offre qui, en tout autre endroit, aurait été regardée comme injurieuse au caractère dont il était revêtu, mais qui n'était qu'une simple civilité dans ce pays barbare. Le Czar pensa se fâcher de ce refus, et il ne put s'empêcher de lui témoigner quelques marques de son indignation; ce dont cependant il lui fit réparation le lendemain.
Ce n'est pas une histoire faite à plaisir; elle est si vraie, qu'elle se trouve dans les relations de M. de Printzen, que l'on conserve dans les archives. J'ai même parlé à plusieurs personnes qui ont été dans ce temps-là à Pétersbourg, lesquelles m'ont attesté ce fait. Ce n'est point un conte su de deux ou trois personnes, c'est un fait notoire.
De ces horribles cruautés, passons à un sujet plus gai, plus riant et plus agréable; ce sera la petite pièce qui suivra cette tragédie.
Il s'agit de la muse de Gresset,a qui, à présent, est une des premières du Parnasse français. Cet aimable poëte a le don de s'exprimer avec beaucoup de facilité. Ses épithètes sont justes et nouvelles; avec cela il a des tours qui lui sont propres; on aime ses ouvrages, malgré leurs défauts. Il est trop peu soigné, sans contredit, et la paresse, dont il fait tant l'éloge, est la plus grande rivale de sa réputation.
Gresset a fait une Ode sur l'Amour de la patrie, qui m'a plu infiniment. Elle est pleine de feu et de morceaux achevés. Vous aurez remarqué, sans doute, que les vers de huit syllabes réussissent mieux à ce poëte que ceux de douze.
Malgré le succès des petites pièces de Gresset, je ne crois pas qu'il réussisse jamais au Théâtre français ou dans l'épopée. Il ne suffit pas
a Voyez, t. XX, p. I et II, et 1-12.