<229> M. Jordan va faire éclore d'excellents ouvrages. Si c'était un autre que Jordan, je dirais sur cette écritoire venue de votre main ce que je ne sais quel Turc disait à Scanderbeg : « Vous m'avez envoyé votre sabre, mais vous ne m'avez pas envoyé votre bras. »

Votre Epître à Jordana est de la très-bonne plaisanterie; celle à Césarionb est digne de votre cœur et de votre esprit. Le Philosophe guerrierc répond très-bien à son titre; cela est plein d'imagination et de raison. Remarquez, je vous en supplie, monseigneur, que vous ne faites que de légères fautes contre la langue et contre notre versification. Par exemple, dans ce beau commencement :

Loin de ce séjour solitaire
Où, sous les auspices charmants
De l'amitié tendre et sincère, etc.,

vous mettez la science non d'orgueil enflée.

Vous ne pouvez deviner que science est là de trois syllabes, et que ce non est un peu dur après science. Voilà ce qu'un grammairien de l'Académie française vous dirait; mais vous avez ce que n'a nul académicien de nos jours, je veux dire du génie.

Je vous demande pardon, monseigneur, mais savez-vous combien ces vers sont beaux :

Et le trépas qui nous poursuit
Sous nos pas creuse notre tombe;
L'homme est une ombre qui s'enfuit,
Une fleur qui se fane et tombe.
Mille chemins nous sont ouverts
Pour quitter ce triste univers;
Mais la nature si féconde
N'en fit qu'un pour entrer au monde.


a Voyez t. XIV, p. 52-55.

b L. c, p. 61-68.

c Voyez t. XI, p. 77-79.