<255>patrie les chefs-d'œuvre des étrangers. Mais petit à petit, à force de travailler, la Mérope est devenue toute française. Grâce à vos sages critiques, elle est autant à vous qu'à moi; aussi, quand je la ferai imprimer, je vous demanderai la permission de vous la dédier, et de mettre à vos pieds et la pièce, et mes idées sur la tragédie.
Je ne sais si V. A. R. a reçu la nouvelle édition des Éléments de Newton. Puisqu'elle daigne s'intéresser assez à moi pour me mander que M. s'Gravesande n'en a pas dit de bien, je lui dirai que je n'en suis pas surpris.
Les libraires ou corsaires hollandais, impatients de débiter cet ouvrage, se sont avisés de faire brocher les deux derniers chapitres par un métaphysicien hollandais, qui s'est avisé de contredire les sentiments de M. s'Gravesande dans les deux chapitres postiches. Il nie les deux plus beaux avantages du système newtonien, l'explication des marées, et la cause de la précession des équinoxes, qui vient sans difficulté de la protubérance de la terre à l'équateur. M. s'Gravesande est avec raison attaché à ces deux grands points. D'ailleurs, le livre est imprimé avec cent fautes ridicules. L'édition de France, sous le nom de Londres, est un peu plus correcte. Les cartésiens crient comme des fous à qui on veut ôter les trésors imaginaires dont ils se repaissaient; ils se croient appauvris, si la nature a des vides. Il semble qu'on les vole; il y en a qui se fâchent sérieusement. Pour moi, je me garderai bien de me fâcher de rien, tant que divus Federicus et diva Emilia m'honoreront de leurs bontés.
Nous venons d'être un peu plus instruits de ce Beringen; c'est une ville entre le pays de Liége et Juliers. Si cela était à la bienséance de Sa Majesté, et qu'elle daignât l'honorer du titre de sa sujette, on recevrait, comme de raison, toutes les lois que Sa Majesté daignerait prescrire. Madame du Châtelet n'a pas osé en parler à V. A. R.; elle me charge d'oser demander votre protection. Nous nous conduirons dans cette affaire par vos seuls ordres. Madame du