8. A VOLTAIRE.
Berlin, décembre 1736.
Monsieur, je vous avoue que j'ai senti une secrète joie de vous savoir en Hollande, me voyant par là plus à portée de recevoir de vos nouvelles, quoique je craignisse, de la façon dont vous me marquez y être, que quelque fâcheuse raison ne vous eût obligé de quitter la France, et de prendre l'incognito. Soyez sûr, monsieur, que ce secret ne transpirera pas par mon indiscrétion.
La France et l'Angleterre sont les deux seuls États où les arts soient en considération. C'est chez eux que les autres nations doivent s'instruire. Ceux qui ne peuvent pas s'y transporter en personne peuvent du moins, dans les écrits de leurs auteurs célèbres, puiser des connaissances et des lumières. Leurs langues, par conséquent, méritent bien que les étrangers les étudient, principalement la française, qui, selon moi, pour l'élégance, la finesse, l'énergie et les tours, a une grâce particulière. Ce sont ces motifs suffisants qui m'ont engagé à m'y appliquer. Je me sens récompensé richement de mes peines par l'approbation que vous m'accordez avec tant d'indulgence.
Louis XIV était un prince grand par une infinité d'endroits; un solécisme, une faute d'orthographe ne pouvait ternir en rien l'éclat de sa réputation, établie par tant d'actions qui l'ont immortalisé. Il lui convenait en tout sens de dire : Caesar est supra grammaticam. Mais il y a des cas particuliers qui ne sont pas généralement applicables. Celui-ci est de ce nombre, et ce qui était un défaut imperceptible en Louis XIV deviendrait une négligence impardonnable en tout autre.
Je ne suis grand par rien. Il n'y a que mon application qui pourra peut-être un jour me rendre utile à ma patrie, et c'est là toute la gloire que j'ambitionne. Les arts et les sciences ont toujours été les