A la France, votre patrie,
Voltaire, daignez épargner
Les frais que pour l'Académie
Sa main a voulu destiner.
En effet, je suis sûr que ces quarante têtes qui sont payées pour penser, et dont l'emploi est d'écrire, ne travaillent pas la moitié autant que vous. Je suis certain que, si l'on pouvait apprécier la valeur des pensées, toutes celles de cette nombreuse société, prises ensemble, ne tiendraient pas l'équilibre aux vôtres. Les sciences sont pour tout le monde, mais l'art de penser est le don le plus rare de la nature.
Cet art fut banni de l'école,
Des pédants il est inconnu.
Par l'inquisition frivole
L'usage en serait défendu,
Si le pouvoir saint de l'étole
S'était à ce point étendu.
Du vulgaire la troupe folle
A penser juste a prétendu;
Du vil flatteur l'encens vendu
En a parfumé son idole;
Et l'ignorant a confondu
Le froid non-sens d'une parole,
Et l'enflure de l'hyperbole,
Avec l'art de penser, cet art si peu connu.
Entre cent personnes qui croient penser, il y en a une à peine qui pense par elle-même. Les autres n'ont que deux ou trois idées, qui roulent dans leur cerveau sans s'altérer et sans acquérir de nouvelles formes; et le centième pensera peut-être ce qu'un autre a déjà pensé; mais son génie, son imagination ne sera pas créatrice. C'est cet esprit créateur qui sait multiplier les idées, qui saisit les rapports entre des choses que l'homme inattentif n'aperçoit qu'à peine, c'est cette force du bon sens qui fait, selon moi, la partie essentielle de l'homme de génie.