<35> plus heureux que je ne le suis. Je me tue de le détromper. Je me sens d'ailleurs fort obligé au gazetier d'effectuer en idée ce qu'il juge très-bien qui peut m'être infiniment agréable.
Quoique vous n'ayez en aucune manière besoin de vous perfectionner par de nouvelles études dans la connaissance des sciences, je crois que la conversation du fameux M. s'Gravesande pourra vous être fort agréable. Il doit posséder la philosophie de Newton dans la dernière perfection. M. Boerhaave ne vous sera pas d'un moindre secours pour le consulter sur l'état de votre santé. Je vous la recommande, monsieur. Outre le penchant que vous vous sentez naturellement pour la conservation de votre corps, ajoutez, je vous prie, quelque nouvelle attention à celle que vous avez déjà, pour l'amour d'un ami qui s'intéresse vivement à tout ce qui vous regarde. J'ose vous dire que je sais ce que vous valez, et que je connais la grandeur de la perte que tout le monde ferait en vous : les regrets que l'on donnerait à vos cendres seraient inutiles et superflus pour ceux qui les sentiraient. Je prévois ce malheur, et je le crains : mais je voudrais le différer.
Vous me ferez beaucoup de plaisir, monsieur, de m'envoyer vos nouvelles productions. Les bons arbres portent toujours de bons fruits. La Henriade et vos ouvrages immortels me répondent de la beauté des futurs. Je suis fort curieux de voir la suite du Mondain que vous me promettez. Le plan que vous m'en marquez est tout fondé sur la raison et sur la vérité. En effet, la sagesse du Créateur n'a rien fait inutilement dans ce monde. Dieu veut que l'homme jouisse des choses créées, et c'est contrevenir à son but que d'en user autrement. Il n'y a que les abus et les excès qui rendent pernicieux ce qui, d'ailleurs, est bon en soi-même.
Ma morale, monsieur, s'accorde très-bien avec la vôtre. J'avoue que j'aime les plaisirs et tout ce qui y contribue. La brièveté de la vie est le motif qui m'enseigne d'en jouir. Nous n'avons qu'un temps,