<355>Des vaincus, des vainqueurs a fixé les destins,
De haine et de fureur follement animées,
S'égorgent de sang-froid deux puissantes armées;
La terre de leur sang s'abreuve avec horreur,
L'enfer de leurs succès empoisonne la source,
Le ciel au loin gémit du cri de leur clameur,
Et les flots pleins de morts interrompent leur course.
Ciel! d'où part cette voix de valneus, de trépas?
O ciel! quoi! de l'enfer un monstre abominable
Traîne ces nations dans l'horreur des combats,
Et dans le sang humain plonge leur bras coupable!
Quoi! l'aigle des Césars, vaincu des Musulmans,
Quitte d'un vol hâté ces rivages sanglants!
De morts et de mourants les plaines sont couvertes;
Le trépas, qui confond toutes les nations,
Dans ce climat fatal, de leurs communes pertes
Assemble avidement les cruelles moissons.
Fatale Moldavie! ô trop funestes rives!
Que de sang des humains répandu sur vos bords,
Rougissant de vos eaux les ondes fugitives,
Au loin porte l'effroi, le carnage et les morts!
Du trépas dévorant vos plaines empestées
D'un mal contagieux déjà sont infectées.
Par quel monstre inhumain, par quels affreux tyrans
Ces douces régions sont-elles désolées,
Et tant de légions de braves combattants
Sur l'autel de la mort sont-elles immolées?
Tel que le mont Athos, qui, du fond des enfers
S'élevant jusqu'aux cieux, au-dessus des nuages,
Contemple avec mépris les aquilons altiers
A l'entour de ses pieds rassembler les orages :
Tel, en sa grandeur vaine, au-dessus des humains,
Un monarque indolent maîtrise les destins;
Du fardeau de l'Etat il charge son ministre,
D'un foudre destructeur il arme ses héros;