<429>Toute cette fin-là est achevée, et le reste de la pièce brille partout d'étincelles d'imagination. Votre raison a bien de l'esprit; mais il y a encore un de vos enfants qui m'intéresse davantage; c'est la réfutation de Machiavel. Je viens de la relire; je puis encore une fois assurer V. A. R. que c'est un ouvrage nécessaire au genre humain. Je ne vous cacherai point qu'il y a des répétitions, et que c'est le plus bel arbre du monde qu'il faut élaguer. Je vous dis la vérité, grand prince, comme vous méritez qu'on vous la dise, et j'espère que, quand vous serez un jour sur le trône, vous trouverez des amis qui vous la diront. Vous êtes fait pour être unique en tout genre, et pour goûter des plaisirs que les autres rois sont faits pour ignorer. M. de Keyserlingk vous avertira quand, par hasard, vous aurez passé une journée sans faire des heureux; et le cas arrivera rarement. Pour moi, je mettrai, en attendant, les points et les virgules à l'Antimachiavel. Je vais profiter de la permission que V. A. R. m'a donnée. J'écris aujourd'hui à un libraire de Hollande, en attendant qu'il y ait à Berlin une belle imprimerie, et une belle manufacture de papier qui fournisse toute l'Allemagne. Je viens d'apprendre, dans le moment, qu'il y a quelques anciennes brochures imprimées contre le Prince de Machiavel. On m'a fait connaître le titre de trois : la première est Antimachiavel; la seconde, Discours d'État contre Machiavel; la troisième, Fragments contre Machiavel.
Je serais bien aise de les voir, afin d'en parler, s'il en est besoin, dans ma préface; mais ces ouvrages sont probablement fort mauvais, puisqu'ils sont difficiles à trouver; cela ne retardera en rien l'impression du plus bel ouvrage que je connaisse. Que vous y faites un portrait vrai des Français et du gouvernement de France! Que le chapitre sur les puissances ecclésiastiques est intéressant et fort! La comparaison de la Hollande avec la Russie, les réflexions sur la vanité des grands seigneurs qui font les souverains en miniature, sont des morceaux charmants. Je vais, dans l'instant, en achever la quatrième