<166>je venais ici avec d'autres, et je vous avoue que, appartenant uniquement à V. M., j'aurai l'âme plus à l'aise.
Je n'ambitionne point du tout d'être chargé d'affaires comme Destouches et Prior, deux poëtes qui ont fait deux paix entre la France et l'Angleterre. Vous ferez ce qu'il vous plaira avec tous les rois de ce monde, sans que je m'en mêle; mais je vous conjure instamment de m'écrire un mot que je puisse montrer au roi de France.
Vous lui reprochez, dans la lettre que vous daignâtes m'écrire de Potsdam, qu'il laisse l'Empereur dans la dernière misère, et qu'il a fait à Mayence des insinuations contre vos intérêts. Depuis cette lettre écrite, V. M. a su que le roi de France a donné des subsides à l'Empereur, et vous ne doutez pas, je crois, à présent, que ce Hatzel, qui a négocié ou plutôt brouillé à Mayence, ne soit un téméraire qui serait puni, si vous le vouliez. Soyez donc un peu plus content, et daignez, je vous en conjure, m'écrire quatre lignes en général.
Je ne demande autre chose sinon que vous êtes satisfait aujourd'hui des dispositions de la France; que personne ne vous a jamais fait un portrait aussi avantageux de son roi; que vous me croyez d'autant plus, que je ne vous ai jamais trompé; et que vous êtes bien résolu à vous lier avec un prince aussi sage et aussi ferme que lui.
Ces mots vagues ne vous engagent à rien, et j'ose dire qu'ils feront un très-bon effet; car, si on vous a fait des peintures peu honorables du roi de France, je dois vous assurer qu'on vous a peint à lui sous les couleurs les plus noires, et assurément on n'a rendu justice ni à l'un ni à l'autre. Permettez donc que je profite de cette occasion si naturelle pour rendre l'un à l'autre deux monarques si chers et si estimables; ils feront, de plus, le bonheur de ma vie. Je montrerai votre lettre au Roi; et je pourrai obtenir la restitution d'une partie de mon bien que le bon cardinal m'a ôté; je viendrai ici dépenser ce bien, que je vous devrai.
Soyez très-persuadé du bon effet qu'elle fera; je ne serai point