<177>Votre Mérope m'a été rendue, et j'ai fait le commissionnaire de l'auteur, en distribuant son livre. Je ne m'étonne point du succès de cette pièce. Les corrections que vous y avez faites la rendent, par la sagesse, la conduite, la vraisemblance et l'intérêt, supérieure à toutes vos autres pièces de théâtre, quoique Mahomet ait plus de force, et Brutus, de plus beaux vers.
Ma sœur Ulrique voit votre rêvea accompli en partie; un roi la demande pour épouse; les vœux de toute la nation suédoise sont pour elle. C'est un enthousiasme et un fanatisme auquel ma tendre amitié pour elle a été obligée de céder. Elle va dans un pays où ses talents lui feront jouer un grand et beau rôle.b
Dites, s'il vous plaît, à Rottembourg, si vous le voyez, que cec n'est pas bien à lui de ne me point écrire depuis qu'il est à Paris. Je n'entends non plus parler de lui que s'il était à Pékin. Votre air de Paris est comme la fontaine de Jouvence, et vos voluptés comme les charmes de Circé; mais j'espère que Rottembourg échappera à la métamorphose.
Adieu, admirable historien, grand poëte, charmant auteur de cette Pucelle, invisible et triste prisonnière de Circé;d adieu à l'amant de la cuisinière de Valori,e de madame du Châtelet et de ma sœur.f Je me recommande à la protection de tous vos talents, et surtout de
a Voyez t. XIV, p. 103.
b Les vingt-sept vers par lesquels commence cette lettre, et les trois premiers alinéa en prose, nous viennent de la Bibliothèque de l'Ermitage impérial de Saint-Pétersbourg. Les vers manquent dans toutes les éditions connues. Ces éditions portent pour toute date : « Du 7 avril 1744, » et les mots du second alinéa : « Et j'ai fait le commissionnaire de l'auteur, » y sont remplacés par ceux-ci : « Et j'ai fait la commission de l'auteur. »
c A partir du mot « ce, » le texte de cette lettre manque dans le manuscrit de Saint-Pétersbourg, et nous le tirons de l'édition de Kehl, t. LXV, p. 184.
d Voyez t. XXI, p. 90.
e Voyez t. XI, p. 152.
f Voyez t. XIV, p. 103-106.