<190>prévention pour ma patrie; mais j'ose assurer qu'elle est la seule qui élève des monuments à la gloire des grands hommes qui ne sont pas nés dans son sein.
Pour moi, Sire, votre péril me fit frémir, et me coûta bien des larmes. Ce fut M. de Paulmi qui m'apprit que V. M. se portait bien, et qui me rendit ma joie.
Je serais tenté de croire que les pilules de Stahla doivent faire du bien au roi de Prusse; elles ont été inventées à Berlin, et elles m'ont presque guéri en dernier lieu. Si elles ont un peu raccommodé mon corps cacochyme, que ne feront-elles point au tempérament d'un héros!
Si quelque jour elles me rendent un peu de forces, je vous demanderai assurément la permission de venir encore vous admirer; peut-être V. M. ne serait-elle pas fâchée de me donner ses lumières sur ce qu'elle a fait et sur ce qu'elle pense de grand. Je lui jure qu'elle ne se plaindrait pas que j'eusse donné à madame la duchesse de Würtemberg ce que je devais donner au grand Frédéric. Elle a peut-être copié une page ou deux de ce que vous avez, mais il est impossible qu'elle ait ce que vous n'avez pas; je vous jure encore que le reste est à Cirey, et n'est point fait du tout pour être à présent à Paris.
La dame de Cirey, qui a été aussi alarmée que moi, vous demande la permission de vous témoigner sa joie et son attachement respectueux.
Vivez, Sire, vivez, grand homme, et puissé-je vivre pour venir encore une fois baiser cette main victorieuse, qui a fait et écrit de quoi aller à la postérité la plus reculée! Vivez, vous qui êtes le plus grand homme de l'Europe, et que j'oserai aimer tendrement jusqu'à mon dernier soupir, malgré le profond respect qui empêche, dit-on, d'aimer.
a Voyez t. I, p. 263.