<202> pauvre citoyen, bon poëte d'ailleurs, lassé de payer le dixième, et le dixième du dixième, et de voir ravager sa terre pour les querelles des rois. Point du tout, elle est du roi qui a commencé la noise, elle est de celui qui a gagné, les armes à la main, une province et cinq batailles. Sire, V. M. fait de beaux vers, mais elle se moque du monde.

Toutefois, qui sait si vous ne pensez pas réellement tout cela quand vous l'écrivez? Il se peut très-bien faire que l'humanité vous parle dans le même cabinet où la politique et la gloire ont signé des ordres pour assembler des armées. On est animé aujourd'hui par la passion des héros; demain on pense en philosophe. Tout cela s'accorde à merveille, selon que les ressorts de la machine pensante sont montés. C'est une preuve de ce que vous daignâtes m'écrire, il y a dix ans, sur la Liberté.

J'ai relu ici ce petit morceau très-philosophique; il fait trembler. Plus j'y pense, plus je reviens à l'avis de V. M. J'avais grande envie que nous fussions libres; j'ai fait tout ce que j'ai pu pour le croire.a L'expérience et la raison me convainquent que nous sommes des machines faites pour aller un certain temps, et comme il plaît à Dieu. Remerciez la nature de la façon dont votre machine est construite, et de ce qu'elle a été montée pour écrire l'Épître à Hermotime.

Le vainqueur de l'Asie, en subjuguant cent rois,
Dans le rapide cours de ses brillants exploits,
Estimait Aristote et méditait son livre.
Heureux, si sa raison plus docile à le suivre,
Réprimant un courroux trop fatal à Clitus,
N'eût par ce meurtre affreux obscurci ses vertus! etc.b

Personne en France n'a jamais fait de meilleurs vers que ceux-là. Boileau les aurait adoptés; et il y en a beaucoup de cette force, de cette clarté et de cette élégance harmonieuse dans votre Épître à Her


a Voyez t. XXI, p. 101, 102, 108 et suivantes.

b Voyez t. X, p. 75.