<237>V. M., en me parlant des maréchaux de Belle-Isle et de Saxe, dit qu'il faut que chacun fasse son métier; vraiment, Sire, vous en parlez bien à votre aise, vous qui faites tant de métiers à la fois, celui de conquérant, de politique, de législateur, et, qui pis est, le mien, qu'assurément vous faites le plus agréablement du monde. Vous m'avez remis sur les voies de ce métier, que j'avais abandonné. J'ai l'honneur de joindre ici un petit essai d'une nouvelle tragédie de Catilina; en voici le premier acte; peut-être a-t-il été fait trop vite. J'ai fait en huit jours ce que Crébillon avait mis vingt-huit ans à achever; je ne me croyais pas capable d'une si épouvantable diligence; mais j'étais ici sans mes livres. Je me souvenais de ce que V. M. m'avait écrit sur le Catilina de mon confrère; elle avait trouvé mauvais, avec raison, que l'histoire romaine y fût entièrement corrompue; elle trouvait qu'on avait fait jouer à Catilina le rôle d'un bandit extravagant, et à Cicéron celui d'un imbécile. Je me suis souvenu de vos critiques très-justes; vos bontés polies pour mon vieux confrère ne vous avaient pas empêché d'être un peu indigné qu'on eût fait un tableau si peu ressemblant de la république romaine. J'ai voulu esquisser la peinture que vous désiriez; c'est vous qui m'avez fait travailler. Jugez ce premier acte; c'est le seul que je puisse actuellement avoir l'honneur d'envoyer à V. M.; les autres sont encore barbouillés. Voyez si j'ai réhabilité Cicéron, et si j'ai attrapé la ressemblance de César.
Entre ces deux héros prenez votre balance,
Décidez entre leurs vertus.
César, je le prévois, aura la préférence;
Quelque juste qu'on soit, c'est notre ressemblance
Qui nous touche toujours le plus.
Je ne vous ai point envoyé cette comédie de Nanine. J'ai cru qu'une petite fille que son maître épouse ne valait pas trop la peine de vous être présentée. Mais, si V. M. l'ordonne, je la ferai transcrire