<257> digne de vous; et j'ai été surpris que nous nous soyons rencontrés, sans le savoir, dans le choix du même sujet. Les regrets que me causait la perte de quelques amis me firent naître l'idée de leur payer au moins après leur mort un faible tribut de reconnaissance; et je composai ce petit ouvrage,a où le cœur eut plus de part que l'esprit. Mais ce qu'il y a de singulier, c'est que le mien est en vers, et celui du poëte, en prose. Racine n'eut de sa vie de triomphe plus éclatant que lorsqu'il traitait le même sujet que Pradon.b J'ai vu combien mon barbouillage était inférieur à votre Éloge; votre prose apprend à mes vers comme ils auraient dû s'énoncer.

Quoique je sois de tous les mortels celui qui importune le moins les dieux par mes prières, la première que je leur adresserai sera conçue en ces termes :

O dieux, qui douez les poëtes
De tant de sublimes faveurs,
Ah! rendez vos grâces parfaites,
Et qu'ils soient un peu moins menteurs.

Si les dieux daignent m'exaucer, je vous verrai l'année qui vient, à Sans-Souci; et si vous êtes d'humeur à corriger de mauvais vers, vous trouverez à qui parler. Vale.

251. DE VOLTAIRE.

Paris, 31 décembre 1749.

Vous êtes pis qu'un hérétique;
Car ces gens, qu'un bon catholique


a L'Épître à Stille. Voyez t. X, p. 145-155.

b Voyez t. IX, p. 78, et t. XII, p. 158.