<286>bêtes;a et, en qualité de poëte de cette langue, j'ai cru ma muse plus propre à haranguer vos chevaux de poste qu'à vous adresser ses accents. Vous êtes à présent armé de toutes pièces, de voiture, de passeport, et de tout ce qu'il faut à un homme qui veut se rendre de Paris à Berlin; mais je crains que vous ne soyez prodigue de votre temps à Paris, et chiche de vos minutes à Berlin. Venez donc promptement, et souvenez-vous qu'un plaisir fait de bonne grâce acquiert un double mérite.
265. DE VOLTAIRE.
Compiègne, 26 juin 1750.
Ainsi dans vos galants écrits,
Qui vont courant toute la France,
Vous flattez donc l'adolescence
De ce d'Arnaud que je chéris,
Et lui montrez ma décadence.b
Je touche à mes soixante hivers;
Mais si tant de lauriers divers
Ombragent votre jeune tête,
Grand homme, est-il donc bien honnête
a Charles-Quint disait que s'il voulait parler à Dieu, il le ferait en espagnol; à sa maîtresse, en italien; à ses amis, en français; et à ses chevaux, en allemand.
b Voyez, t. XIV, p. 110 et 111, les Vers (de Frédéric) à d'Arnaud, dont il est question dans cette lettre. Marmontel raconte, dans les Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfants (vers la fin du quatrième livre), qu'il était chez Voltaire lorsque Thieriot apporta à celui-ci l'Épître de Frédéric à d'Arnaud-Baculard. Voltaire lut un moment en silence et d'un air de pitié : mais quand il en fut aux vers où Frédéric donne à entendre que Voltaire est à son couchant et d'Arnaud à son aurore, il se mit en fureur, et s'écria : « J'irai, oui, j'irai lui apprendre à se connaître en hommes! » Dès ce moment, son voyage à Berlin fut décidé.