<290>à plus forte raison à Frédéric le Grand. J'assure S. M. de mes vifs désirs, et lui présente mes profonds respects.
Signé à Halberstadt, en attendant que je sois assez heureux pour en partir.
V.
267. A VOLTAIRE.a
Berlin, 23 août 1750.
J'ai vu la lettre que votre nièce vous écrit de Paris. L'amitié qu'elle a pour vous lui attire mon estime. Si j'étais madame Denis, je penserais de même; mais étant ce que je suis, je pense autrement. Je serais au désespoir d'être cause du malheur de mon ennemi; et comment pourrais-je vouloir l'infortune d'un homme que j'estime, que j'aime, et qui me sacrifie sa patrie et tout ce que l'humanité a de plus cher? Non, mon cher Voltaire, si je pouvais prévoir que votre transplantation pût tourner le moins du monde à votre désavantage, je serais le premier à vous en dissuader. Oui, je préférerais votre bonheur au plaisir extrême que j'ai de vous avoir. Mais vous êtes philosophe; je le suis de même. Qu'y a-t-il de plus naturel, de plus simple et de plus dans l'ordre que des philosophes faits pour vivre ensemble, réunis par la même étude, par le même goût, et par une façon de penser semblable, se donnant cette satisfaction? Je vous respecte comme mon maître en éloquence et en savoir; je vous aime comme un ami vertueux. Quel esclavage, quel malheur, quel changement, quelle inconstance de fortune y a-t-il à craindre dans un pays où l'on vous estime autant que dans votre patrie, et chez un ami
a Cette lettre est tirée de l'édition de Bâle, t. II, p. 245 et 246.