Vos siècles engloutis du temps qui les dévore,
Contre les hauts exploits à jamais conjurés,
N'ont pu vous dérober l'encens dont on honore
Vos grands noms consacrés.
Un nom plus grand me frappe, et remplit l'hémisphère;
L'auguste Vérité dresse déjà l'autel,
Et l'Amitié paraît pour te placer, Voltaire,
Dans son temple immortel.
Mornay,a de ces lambris habitant pacifique,
Dès longtemps solitaire, heureux et satisfait,
Entend ta voix, s'étonne, et son âme héroïque
T'aperçoit sans regret.
« Par zèle et par devoir j'ai secondé mon maître;
Ou ministre, ou guerrier, j'ai servi tour à tour;
Ton cœur plus généreux assiste, sans paraître.
Ton ami par amour.
Celui qui me chanta m'égale et me surpasse;
Il m'a peint d'après lui; ses crayons lumineux
Ornèrent mes vertus, et m'ont donné la place
Que j'ai parmi les dieux. »
Ainsi parlait ce sage; et les intelligences
Aux bouts de l'univers l'annonçaient aux virant;
Le ciel en retentit, et ses voûtes immenses
Prolongeaient leurs accents.
Pendant qu'on t'applaudit, et que ton éloquence
Terrasse en ma faveur deux venimeux serpents,b
L'amitié me transporte, et je m'envole en France
Pour fléchir tes tyrans.
a Voyez t. VIII, p. 58.
b L'évêque de Liége et van Duren.