<71>de la Silésie. J'aime à voir mon héros toucher aux deux extrémités à la fois.
A peine fus-je arrivé à Bruxelles, que j'allai à Lille avec madame du Châtelet. J'y vis un opéra français assez passable pour V. M.; elle remarquera seulement si une nation qui a des opéras dans ses places frontières n'est pas faite pour la joie. J'y vis aussi la comédie de La Noue, à laquelle il comptait beaucoup réformer et ajouter, pour la rendre digne de divertir un connaisseur tel que mon roi.
Si, après avoir donné des lois à l'Allemagne, V. M. veut quelque jour se réjouir à Berlin (ce qui n'est pas un mauvais parti), qu'elle remercie la petite Gautier.
Pourquoi en remercier la petite Gautier? me dira V. M. Voici le fait, Sire : c'est que La Noue, comme de raison, ne voulait pas quitter sa maîtresse, tant qu'elle a été ou qu'elle lui a paru fidèle; mais, depuis qu'il l'a reconnue très-infidèle, V. M. peut se flatter d'avoir La Noue.
Je crois devoir envoyer les mémoires et lettres que je reçus de La Noue lorsque je lui écrivis par ordre de V. M.; elle verra, si elle veut s'en donner la peine, qu'il demandait d'abord quarante mille écus. Ensuite, par sa lettre du 23 octobre, il ne veut pas s'engager. Mais, le 28 octobre, il s'engagea, parce qu'il fut quitté de sa donzelle du 23 au 28 octobre.
A présent, Sire, cet amant malheureux attend vos derniers ordres pour fournir ou ne fournir pas baladins et baladines pour les plaisirs de Berlin. Il presse beaucoup, et demande des ordres positifs, à cause des frais qu'un délai entraînerait.
J'envoie à V. M. une lettre plus digne d'arrêter son attention; elle est du président Hénault, l'homme de France qui a le plus de goût et de discernement, et mériterait d'être lue de V. M., quand même il n'y serait pas question d'elle.
Puisque je prends la liberté d'envoyer tant de manuscrits, que