<98> nous résister; vous vous écrieriez : Ah! barbares, ah! brigands, inhumains que vous êtes! les injustes n'hériteront point du royaume des cieux, selon saint Matthieu, chapitre XII, verset 24.a
Puisque je prévois tout ce que vous me diriez sur ces matières, je ne vous en parlerai point. Je me contenterai de vous informer qu'une tête assez folle, dont vous aurez entendu parler sous le nom de roi de Prusse, apprenant que les États de son allié l'Empereur étaient ruinés par la reine de Hongrie, a volé à son secours, qu'il a joint ses troupes à celles du roi de Pologne, pour opérer une diversion en Basse-Autriche, et qu'il a si bien réussi, qu'il s'attend dans peu à combattre les principales forces de la reine de Hongrie, pour le service de son allié.
Voilà de la générosité, diriez-vous, voilà de l'héroïsme. Cependant, cher Voltaire, le premier tableau et celui-ci sont les mêmes. C'est la même femme qu'on fait voir d'abord en cornette de nuit, et ensuite avec son fard et ses pompons.
De combien de différentes façons n'envisage-t-on pas les objets! combien les jugements ne varient-ils point! Les hommes condamnent le soir ce qu'ils ont approuvé le matin. Ce même soleil qui leur plaisait à son aurore les fatigue à son couchant. De là viennent ces réputations établies, effacées, et rétablies pourtant; et nous sommes assez insensés de nous agiter pendant toute notre vie pour acquérir de la réputation! Est-il possible qu'on ne soit pas détrompé de cette fausse monnaie, depuis le temps qu'elle est connue?
Je ne vous écris point de vers, parce que je n'ai pas le temps de toiser des syllabes. Souffrez que je vous fasse souvenir de l'Histoire de Louis XIV; je vous menace de l'excommunication du Parnasse, si vous n'achevez pas cet ouvrage.
Adieu, cher Voltaire; aimez un peu, je vous prie, ce transfuge d'Apollon, qui s'est enrôlé chez Bellone. Peut-être reviendra-t-il
a Ou plutôt selon saint Paul, 1 Corinthiens, chap. VI, v. 9.