182. AU MÊME.
Camp de Kuttenberg, 20 juin 1742.
Enfin ce Borcke est revenu,
Après avoir beaucoup couru.
Entre les beaux bras d'Émilie
Il m'assure vous avoir vu,
Le corps languissant, abattu,
Mais toujours l'esprit plein de vie
Et de cette aimable saillie
Qui vous a rendu si connu.
Depuis ce pays malotru
Jusqu'à Paris votre patrie.
Enfin le vieux Broglie a perdu,
Non pas sa culotte salie,
Dont personne n'aurait voulu;
Mais, brusquement tournant le cu
Devant les pandours de Hongrie,
Fuyant avec ignominie,
Il perd tout, sans être battu,
Et sous Prague il se réfugie.
Le jeune Louis l'a fait duc
Pour honorer son savoir-faire;
S'il l'eût été par l'archiduc,
J'entendrais bien mieux ce mystère.
Notre genre de vie est assez différent de celui de Versailles, et plus encore de celui de Remusberg. Aujourd'hui un ambassadeur est venu me faire des propositions; hier il en est parti un, chargé de fumée; et demain il en arrivera un autre avec du galbanum. On amena hier matin une quarantaine de talpaches prisonniers, d'ailleurs les plus jolis garçons du monde. Nos hussards vont actuellement battre la campagne pour amener des paysans, des chariots et des vivres : nous faisons transporter nos blessés et nos malades pour le pays où nous les suivrons bientôt.
Puissiez-vous jouir sans discontinuation d'une santé ferme et vigoureuse! puissiez-vous, plus philosophe que vous n'êtes, préférer la solitude de Charlottenbourg aux charmes du palais d'Armide que vous habitez! puissiez-vous être le plus heureux des mortels, comme vous en êtes le plus aimable! Ce sont les souhaits que vous fait un ancien ami, du fond de son cœur. Adieu.